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Jeanne Lee jazzait

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La chanteuse intimiste est morte à 61 ans.
publié le 30 octobre 2000 à 5h57

Il est des disparitions qui touchent plus que d'autres. C'est arbitraire et c'est ainsi. Mais que Jeanne Lee, que l'on connaissait si généreuse, si amoureuse de la vie, s'éteigne, quelques jours seulement après Julie London, dont tout la séparait mais qu'elle appréciait tant durant ses jeunes années («Julie London, mais aussi Ella et Sarah»), et c'est comme si l'équivalent de la tempête de décembre dernier avait anéanti le parc vocal jazzy. La désolation. Combien de temps faudra-t-il, en effet, pour retrouver deux chanteuses de cet acabit?

D'abord la danse. Fille d'un baryton spécialiste de Schubert et de Puccini, Jeanne Lee, né à New York le 29 janvier 1939, avait grandi dans un milieu artistique, étudiant simultanément le piano, la psychologie et la psychopédagogie (deux matières dans lesquelles elle finira diplômée). Mais c'est la danse et la chorégraphie qui vont d'abord accaparer son énergie, au point d'influer considérablement ensuite sur sa façon de chanter: «J'ai étudié la danse assez longtemps pour savoir, aujourd'hui encore, utiliser mon corps comme un instrument», aimait-elle à déclarer.

Le mystère est dévoilé. Jeanne Lee sera moins chanteuse singulière que danseuse frustrée. Aussi, ses débuts professionnels, en 1961, en duo avec le pianiste Ran Blake (The Newest Sound Around), évoquent-ils naturellement une espèce de ballet sonore décomposé, ralenti, comme si la voix était diffusée syllabe par syllabe selon un procédé (cinématographique) confirmé. A l'écoute d'un p