Grand gaillard à lunettes, la voix forte en dépit d'une angine chronique qu'il soigne en buvant de l'eau chaude au citron, James Gray était à Paris pour défendre The Yards, son second long-métrage reparti bredouille de la dernière compétition cannoise. Lecteur de Marx, Benjamin, Foucault, mélomane averti, amateur de peinture et peintre lui-même, cinéphile instruit prisant, entre autres, Renoir, Bergman et Visconti, James Gray est un intello new-yorkais extrêmement torturé, très antiaméricain (il s'excusera à plusieurs reprises de ne pas parler français et de la prolifération des magasins Gap sur les Champs-Elysées) vivant désormais à Los Angeles dans la sphère d'influence hollywoodienne avec laquelle il a appris à composer.
Comment avez-vous vécu la projection et l'accueil de «The Yards» à Cannes?
C'était une expérience horrible. J'avais l'impression d'être enfermé dans une bulle et de n'avoir aucun retour sur le film. J'étais déçu de n'être pas au palmarès mais je me déteste d'avoir été déçu. A Venise, j'avais obtenu un prix pour Little Odessa et j'ai fini par penser que ces trucs de récompense avaient une réelle importance; c'est une idiotie, je le sais, mais sur place, avec cette ambiance de course de chevaux entre les cinéastes et la peur de n'avoir pas la possibilité de faire un troisième film si jamais l'approbation est nulle, c'est vraiment difficile de rester de marbre.
Peut-être y a-t-il eu un malentendu sur le dénouement du film, perçu comme un «happy end» et un éloge