Quatre bustes en rang d'oignons émergent soudain de la pénombre, derrière ce qui se révèle être un tapis. Une famille de tisserands à l'ouvrage, dont on a à peine le temps d'imaginer, vu leurs costumes, qu'ils sont musulmans d'Europe centrale, que déjà les obus sifflent au-dessus des têtes. La femme se tord d'angoisse, son mari se plaint du retard que, à cause d'elle, ils ont accumulé à la tâche, le fils veut lâcher l'aiguille pour le fusil et la fille renchérit: «Si on s'arrête à chaque obus, quand le siège sera levé et que le commerce reprendra, on sera à court de stock.» Un flot de sang gicle sur le mur de scène.
Avec un début pareil, on ne sera pas étonné d'apprendre que les Possibilités de Howard Barker inaugurent, dès 1988, ce que le dramaturge britannique a appelé le «théâtre de la catastrophe». Un théâtre puisant ses sources dans la forme tragique mais recentré sur l'individu, un théâtre aux «limites de la tolérance», plein de paradoxes et d'ambiguïtés, illogique, sans espoir ni message, et qui cherche davantage à secouer qu'à rassembler le public. L'électrochoc est ici administré en dix séquences extrêmes aux titres aussi édifiants qu'ironiques «L'extase du tisserand à la découverte de la nouvelle couleur»; «De la nécessité de la prostitution dans les sociétés évoluées»; «Quelques hypothèses sur la chute des empereurs»... et qui toutes s'achèvent comme on ne s'y attend pas, sur un énorme point d'interrogation.
Moins moral qu'Edward Bond, plus corrosif que Sarah Ka