Associations d'idées et d'images, narration discontinue, plans déroulés jusqu'à épuisement... Les films de Johan Van der Keuken échappent aux canons verrouillés du récit purement linéaire. A l'occasion de sa venue à Paris pour une master class (une «leçon» commentée de son oeuvre, avec l'historien du cinéma François Albéra), organisée lundi soir au MK2 Beaubourg, il raconte son cinéma comme une phénoménologie de la perception. Entretien.
L'argument fort est faible. «Pendant longtemps j'ai tâtonné. Après ma sortie de l'Idhec, en 1958, j'ai cherché comment accrocher le cinéma. Je vivais de petits travaux photo, mais j'avais toujours ma Bollex. Je voulais faire des films sans argument fort. Normalement, on dit toujours: "Il est sur quoi votre film?" Il faut toujours donner une raison. Ou un scénario qui tient en dix-huit mots, comme dans The Player de Robert Altman. Lorsqu'on me posait cette question à propos d'Amsterdam Global Village, je répondais "C'est un film sur Amsterdam... et sur le reste du monde." Je crois que c'est ça: essayer de se libérer de l'argument fort, de la narration obligatoire. Ça ne veut pas dire que je n'étais pas fasciné par le cinéma hollywoodien. Quoi qu'on filme, il y a toujours une narration. Mais je trouvais ça limitatif, terriblement limitatif. Ça ne correspondait pas à mon rythme, à mon monde intérieur.»
Le gouffre de la perception. «Chacun est fait d'un bourdonnement perpétuel de pensées, de sensations qui ne s'arrêtent jamais, même pendant le som