«You walk?», interroge le chorégraphe américain Bill T. Jones dans sa récente création commandée par la Ville de Bologne, capitale culturelle de l'an 2000. Nous marchons puisque la commande (sur la place de la latinité dans l'unité européenne) n'est pas prise au pied de la lettre, détournée à l'américaine pour brouiller des pistes trop évidentes et pour sauter allégrement au-dessus des clichés. La pièce de près de deux heures est autant une mise en garde contre la soumission de l'art au pouvoir, contre ses deals les plus pervers, qu'un hommage aux cultures minoritaires qui ont résisté aux différentes dominations.
Mélange musical. «Voyez, annonce le chorégraphe, ma vision des événements de ces cinq cents dernières années: j'ai l'audace de vouloir consoler mon indignation et ma grande émotion face aux pires tragédies, en considérant qu'elles sont vecteurs de création artistique, d'une certaine forme de beauté.» On lui laissera son optimisme teinté d'humanisme pour se concentrer sur sa danse et sur sa compagnie qui, depuis qu'il l'a créée en 1982 avec Arnie Zane, mélange les couleurs, les poids, les tailles, les croyances. La pièce est guidée par le jésuite musicien Domenico Zipoli qui, dans l'ancien Paraguay, composa de la musique baroque, notamment un San Ignacio qui intègre l'art de chanter des populations indigènes, ce qui lui valut le surnom d'«Orphée des Indiens». Outre cette oeuvre au coeur du spectacle, le choix musical pour chaque tableau aime à mélanger les genres et l