En présentant Eurêka comme le fer de lance de son projet J-Works, censé développer de façon plus spectaculaire la place du cinéma japonais sur la carte internationale, le producteur Sento Takenori (le «Zelnick 2000»?) donne la sensation d'avoir fait le plus insensé et le plus sûr des choix. Shinji Aoyama est indéniablement atypique. A 36 ans, le cinéaste garde l'allure d'un adolescent en marge: silhouette dégingandée, chevelure aux reflets auburn tombant en cascade jusqu'au milieu du dos, visage joufflu et sourire facile. Il ne parle pas l'anglais. Il filme comme un dératé, se payant le luxe de présenter deux films différents à trois mois d'intervalle. Au fond, il ne semble vouloir qu'une chose: vivre dans son monde de calme et de pensée, en autarcie avec les images et les sons.
Ici, peu de gens connaissent votre parcours. Le seul film de vous sorti en France était «Chimpira». Pouvez-vous vous présenter?
Alors... Je suis né en 1964, c'est l'année de Bande à part de Godard. Le premier film qui m'a bouleversé était Les Dents de la mer; celui qui m'a donné envie d'en tourner un, Apocalypse Now: je fais partie de cette génération. Quand j'étais à la fac (l'université de Rikkyo), j'ai suivi le cours de Mr. Hasumi (1), et j'ai réalisé de nombreux films en 8 mm. Après, je me suis mis à travailler en tant qu'assistant réalisateur avec Kiyoshi Kurosawa, qui était mon aîné à Rikkyo. Puis j'ai commencé à écrire des critiques dans Cahiers du cinéma Japon.
J'ai tourné mon premier long-métra