Pourquoi le secret Jean Odoutan est-il si bien gardé? Existe-t-il cinéaste plus férocement singulier en France ces jours-ci, capable de désorienter tout, peu soucieux de séduire, laissant la critique littéralement sans voix. Car la voix, c'est Odoutan qui choisit de la pousser. A la place de tous. Dans une langue hallucinante, inouïe, qui balaie midi à sa porte. Et enchante. Est-il fou, terroriste, bosseur, blagueur, nègre? Il est simplement irrécupérable. Il échappe à tous les canons préexistants, ne tourne que pour les voir s'effondrer sous l'effet de son rire affamé.
Méchanceté joviale. L'an passé, depuis son Bénin natal, où il plantait tente et caméra, Jean Odoutan réajustait une année de cinéma gaulois blanc-blanc en faisant un enfant derrière le dos à une célèbre marque de bagnole française, un emblème cocardier, dirons-nous, avec un film de pure jouissance: Barbecue-Pejo, l'anti-Case de l'oncle Tom, hissant l'autodérision au rang de la méchanceté joviale. Ce qui fit de lui alors un chouchou Libé crédible. Aujourd'hui, dix mois plus tard, toujours aussi fauché, toujours pourtant aussi sapeur dans sa forme cinématographique (la lumière, le cadre, le jeu des acteurs: impeccables) et alors qu'il annonce un troisième long métrage déjà en montage, une seule question s'impose: mais comment fait-il? Des subventions bricolées, des participations tricotées avec les moyens du bord, et encore une fois sans jamais avoir reçu un seul denier du Fonds d'action sociale, qu'il décrit co