Un sillon dans la terre, une boule de neige, le regard vide d'un enfant au fond d'une chaise roulante, tête à l'envers... Avec Mario Giacomelli, mort samedi dernier d'un cancer à Senigallia (Italie), son village natal, disparaît un photographe autodidacte de 75 ans nourri de peinture et de poésie qui sut enraciner ses images dans un champ visionnaire où le mystère surgissait de rien. De ces vieilles femmes réfugiées dans un hospice et qu'il fréquenta si longtemps, comme s'il avait trouvé là, face à ce miroir de gisants, une réponse possible à «cette bataille perpétuelle, le temps (...). A l'hospice, je le ressens encore plus douloureusement, comme une lame contre mon coeur, tout ce que j'y vois me concerne et me blesse» (1).
Coureur automobile. Très tôt projeté dans le monde du travail après la mort de son père, Giacomelli entre à 13 ans comme apprenti dans une imprimerie, dont il deviendra propriétaire, là même où il est né, à Senigallia, dans les Marches. C'est la révélation. Et les premières créations bricolées avec les caractères typographiques et du ciment. Après la poésie (en secret), le jeune Mario se découvre une nouvelle passion: la course automobile. Qu'il abandonne assez vite (grave accident) pour tomber en extase devant la mer, avec un Comet, son premier appareil-photo. Il se l'est offert comme cadeau de Noël. Ce sera là, en 1953, alors qu'il a moins de 30 ans, l'intuition d'une autre vérité: «Les vagues venaient vers moi et moi je faisais bouger l'appareil en sen