Il est impossible de comprendre l'oeuvre d'Hergé si l'on ignore qu'il appartint dès l'enfance, et jusqu'au seuil de l'âge adulte au monde très particulier du mouvement scout de Belgique. La médiocrité de son environnement familial et social il était le fils d'un employé dans un magasin de confection, et vécut ses premières années dans un faubourg de Bruxelles le précipita en effet dans la sécurisante et envoûtante hiérarchie d'une fraternité par ailleurs responsable des faits et gestes du personnage qui l'a rendu mondialement célèbre.
Le premier des cinq volumes prévus de l'ambitieuse chronologie de son oeuvre, qualifiée dans la préface de Fanny Rodwell la seconde femme de l'artiste de «catalogue raisonné, ni académique, ni austère», permet un salutaire retour aux sources, forcément émouvant mais passablement éclairant. On assiste d'abord aux balbutiements graphiques d'un garçonnet qui trompe son ennui par la captation du mouvement sous toutes ses formes: un train qui passe, une automobile qui effraie un passant... Puis, très vite, c'est l'engagement dans les pages de l'organe de la Troupe Saint-Boniface, du nom de son collège. Le trait du petit Georges Rémi est encore impersonnel, appliqué. On sent qu'il a bien du mal à déborder l'imagerie sportive ou bien-pensante du scoutisme, même si la caricature pointe parfois sous le réalisme soumis. Georges est dans le privé un garçon facétieux, proche des futurs Quick et Flupke. Mais le seul imaginaire qui vient à sa rescouss