Menu
Libération
Critique

Hamlette

Article réservé aux abonnés
L'Allemande Angela Winkler joue un inoubliable héros shakespearien à Bobigny.
publié le 15 décembre 2000 à 8h03

«Spontanément, j'ai pensé à Angela Winkler. Ce n'est qu'ensuite que j'ai réalisé que c'était une femme.» Ainsi répond le metteur en scène Peter Zadek quand on lui demande pourquoi il a confié à une actrice le rôle d'Hamlet. Le spectacle, créé à Strasbourg il y a dix-huit mois, et présenté à Bobigny pour trois jours seulement, démontre de façon éclatante la pertinence de ce choix. L'adverbe «spontanément» convient bien à Angela Winkler. Il suffit qu'elle apparaisse, souple silhouette sombre, derrière cette baraque de chantier résumant à elle seule le décor d'Elseneur, pour qu'on l'adopte telle qu'elle est: une figure humaine qui serait toutes les facettes du personnage, naïf, rêveur, inquiet, jaloux, incertain, destructeur, drôle, coléreux, enfantin, masculin, féminin, et incroyablement proche.

Comme un complice. Angela Winkler joue Hamlet telle une vivante égarée dans un monde de fantômes. Durant tout le spectacle, elle semble vouloir fuir l'hostilité de la scène, du royaume de la mort, pour rejoindre les lumières de la salle. Il est d'usage d'imaginer un Hamlet emmuré en lui-même, ressassant l'humiliation et la vengeance. Mais pour Winkler, cet enfermement se limite au plateau: en butte à l'incompréhension de la cour d'Elseneur, elle semble prendre les spectateurs pour partenaires, à un point tel que l'on ne serait pas surpris de la voir descendre de scène et s'asseoir dans le fauteuil d'à côté. Et si le spectacle nous trouble autant, c'est qu'il transforme Hamlet en complic