De Heiner Müller, mort il y a tout juste cinq ans à Berlin, les Editions de Minuit et Christian Bourgois ont déjà publié une grande partie de l'oeuvre littéraire. Plusieurs volumes d'entretiens sont d'autre part parus à l'Arche ou aux Editions théâtrales. Il restait pourtant des pièces à (re)découvrir en français. C'est chose faite avec la parution en un seul volume de trois textes, beaucoup moins connus que Hamlet-Machine, Quartet ou la Mission, mais qui en disent beaucoup à la fois sur l'évolution de l'écriture et de la pensée politique de Müller, et sur l'histoire de la RDA. On trouvera, dans l'ordre chronologique, L'homme qui casse les salaires, daté de 1956-1957 et rédigé avec sa compagne Inge Müller, la Construction (1963-1965) et Tracteur (commencé dans les années 50 et for tement remanié en 1975).
Sulfureuse. La première de ces pièces est sans doute la plus connue, grâce à la mise en scène signée par Müller lui-même en 1988 au Deutsches Theater et invitée l'année suivante à l'Odéon. L'homme qui casse les salaires retrace l'itinéraire d'un héros stalinien réel, l'ouvrier Hans Garbe (Balke dans la pièce), stakhanoviste de choc qui, en 1949, était parvenu à réparer un four sidérurgique sans stopper la production. A l'époque de son écriture, la pièce avait franchi sans encombre la censure. Trente ans plus tard, elle apparaissait comme beaucoup plus sulfureuse, avec sa classe ouvrière passée sans états d'âme du nazisme au communisme.
Située à l'époque de l'édification du mu