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Libération
Critique

Au Tyour de Lema.

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Le musicien congolais Ray Lema convie les gnaoua marocains pour un CDinattendu.
publié le 29 décembre 2000 à 8h36

Ray Lema et Tyour Gnaoua

CD: «Safi» (Buda Musique/Mélodie).

Produit, arrangé et réalisé par Ray Lema, c'est un disque étrange, une rencontre improbable. Le petit miracle bien vivant et sauvage de cette fin de saison, qui aurait échappé à l'astiquage technologique des studios auquel résistent rarement les croisements musicaux périlleux de cette sorte. Imaginons une messe dominicale dans un temple protestant d'une quelconque banlieue noire de la Nouvelle-Orléans, par exemple, où le culte serait célébré par une troupe mulâtresse venue du Maroc. C'est-à-dire des gnaoua (gnaoui, au singulier), musiciens et thérapeutes plus ou moins berbérisés, plus ou moins arabes, plus ou moins blanchis, descendants de captifs africains, psalmodiant à voix écorchées: «On m'a enlevé enfant innocent/On m'a vêtu d'habits de soie qui ne s'usent pas/ Mes maîtres sont de la lignée de Muhammad.»

Basse de bouc. La litanie est accompagnée par un joueur de claviers qui semble officier pour un gospel local, alors qu'il est un Africain pure souche, fils de chef de gare congolais et baptiste: Ray Lema est originaire des Lingala, groupe africain que se partagent essentiellement les deux Congo, l'Angola, mais aussi la Belgique et la France, diaspora oblige. Les gnaoua, eux, sont représentés par un quintette nommé Tyour Gnaoua, dirigé par Abdeslam Alikan, leur maâlem, leur maître, joueur de guenbri, la basse immémoriale à trois cordes tirées traditionnellement des boyaux de bouc. Les Tyour viennent d'Essaouira, l'