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Libération

Des Forêts fait silence.

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Mort de l'auteur du «Bavard» et d'«Ostinato», argonaute du langage.
publié le 3 janvier 2001 à 21h27

Louis-René des Forêts est mort, le samedi 30 décembre, à Paris, des suites d'une pneumonie. Il a rejoint définitivement le silence sur les bords duquel il se tint si longtemps, continuant à murmurer car «nous taire à jamais (...) cela non plus nous ne le pouvons pas». Il publia peu de livres (1), récits et poèmes, mais beaucoup d'éditions revues et corrigées, parce que la parole ne cessait pas, sans fin recommençait, changeait, modifiait. A cause de ce flux incessant, il pouvait difficilement y avoir une version définitive. Ostinato, «ouvrage en cours, et qui n'aura jamais d'autre fin qu'accidentelle» (2), était le titre de son dernier livre peignant justement des Forêts en écrivain obstiné et obsessionnel. Jusqu'à ce que la mort, à la fin, fasse son office: «Attendre de la mort seule qu'elle vienne mettre fin à l'hémorragie verbale qui la précède de peu est par quelque côté se la rendre désirable.» On ne saura sans doute jamais si des Forêts désira la mort qui vient de lui arriver mais, ce qui est sûr, c'est qu'Ostinato désormais est fini.

Du babil à l'écriture. Il était né en 1918, vécut un peu à Paris, un peu dans le Berry, avant de connaître les joies du pensionnat. Il se passionna tôt pour la littérature, découvrant Baudelaire, Shakespeare, Rimbaud puis Joyce, qu'il croisa dans des circonstances singulières. Se rendant, racontait-il, dans la librairie d'Adrienne Monnier pour acheter Ulysse après des semaines d'économie, il se fit emballer l'ouvrage par un grand monsieur