(à Madrid)
L'ultime photo raconte presque tout. On y voit le roi Juan Carlos Ier, de dos, en mai 1980, dans un des salons dorés du Parlement espagnol, en train d'observer attentivement une toile le représentant lors de son couronnement cinq années auparavant. La monarchie face à la monarchie. Comme si ce face-à-face enserrait l'histoire de l'Espagne démocratique. A lui seul, le cliché donne toute sa dimension à une vaste exposition photo intitulée L'Espagne, vingt-cinq ans après. Mémoire graphique d'une transition, organisée à Madrid par la fondation Telefonica (à partir de la mi-janvier, elle devrait voyager dans le reste du pays).
Par le passé, d'autres tentatives locales ont pu être lancées, mais c'est la première fois qu'on donne à voir à cette échelle ce quart de siècle si intense où le pays se défait des habits d'un régime autoritaire pour entrer dans la modernité.
Heure de gloire. D'une certaine manière, il s'agit de raconter une rupture avec un passé qu'on veut oublier. Pour signifier l'ancien régime, cette photo représentant deux gardes civils tentant de sauver un portrait du Caudillo, Francisco Franco, d'un incendie survenu en 1978, trois ans après la mort du dictateur. «En Espagne, on a longtemps occulté les conditions dans lesquelles la dictature a glissé vers la transition, explique Eduardo Rodriguez Merchan, commissaire de l'exposition. Tout s'est fait sur la base d'un pacte de l'oubli. On a pensé à l'utilité de restituer une mémoire de ce difficile passage charni