Isabelle Huppert, une fois de plus, songe que souvent les grands rôles sont contenus dans leur première phrase. «Femmes de Corinthe, je suis sortie de ma maison pour que vous ne me critiquiez pas», lance Médée soudain tout en douceur suppliante, après qu'eurent résonné en coulisses, hurlements d'une voix rauque de furie blessée, ses imprécations et les mots annonçant les vengeances à venir. Apparition d'une femme en longue robe blanche, qui, ses vociférations proférées, va rester et bouger, et souffrir, et mentir, et dormir en scène tout du long de la représentation du tabou: le pire est en train de se prévoir et accomplir, l'infanticide. Un double infanticide; venant à la suite du meurtre et/ou empoisonnement brûlant de Créon et sa fille.
Seule, une constante. De la dualité du monstre en elle, Médée, Isabelle Huppert ne semble vouloir s'étonner depuis le temps qu'au cinéma elle sait jouer des personnages sombres. Mais cette première phrase signifiant aussi «je suis sortie des coulisses pour que vous ne me fassiez pas de reproches», lui paraît résumer sa condition même d'actrice. Et elle se souvient que dans Orlando, spectacle où elle restait seule en scène conduite par Bob Wilson ressuscitant Virginia Woolf, la première phrase était: «Je suis seule.» Et elle ajoutait: «Cachée dans un grenier, comme un enfant...» Et deux sublimes heures plus tard, revenaient en final, ces mots «... et je suis seule».
Huppert renouvelle l'exploit, en «contrebandière», dit-elle. «De même qu'on a