«Sa priorité c'était un joint, un coup de gnôle ou une femme, ça passait toujours avant la musique. Mais il aimait chanter.» C'est l'épitaphe mitigée dédiée dimanche au chanteur de blues James Carr par Quinton Claunch, ancien patron de Gold Wax Records, le label de Memphis sur lequel Carr enregistra ses plus grands succès, dont le grand classique écrit par Dan Penn, At the Dark End of the Street (plus tard repris par Aretha Franklin).
Même s'il n'a jamais vraiment fait carrière, James Carr avait une voix phénoménale, rappelant celle de Bobby Blue Bland et surtout le phrasé d'Otis Redding. Il était né à Clarksdale, berceau du blues dans le delta du Mississipi, en 1942. Marié et père de famille alors qu'il n'était encore qu'adolescent, analphabète toute sa vie, il fut d'abord ouvrier agricole et chanteur de gospel. Au début des années 60, Carr se mit à la soul. Incroyablement, Stax le fit auditionner, sans le retenir. Le label avait peut-être déjà détecté chez lui, derrière la voix, une personnalité préoccupante. Car Carr était capable de rester assis six heu res en studio sans dire un mot, avant de se mettre à chanter comme un dieu.
Toute sa vie, il est resté en dépression, habitué des hôpitaux psychiatriques. Il réussit néanmoins, au début de sa carrière, à enchaîner des succès comme The Word Is Out, You've Got My Mind Messed Up, ou I'm a Fool For You: tous sur Goldwax, le label rival de Stax à Memphis. Mais rien n'atteint la notoriété de Dark End of the Street, enregistré en