Le fonds du musée Guimet a été presque entièrement constitué par une poignée d'hommes hors pair, qui se sont aventurés seuls dans les déserts les plus terribles et les jungles les plus fermées pour retrouver des civilisations perdues en Orient. Certains étaient scientifiques, d'autres amateurs, tous étaient des passionnés, prêts à tout pour découvrir ces cultures enfouies. De retour au pays, ils se sont battus pour les faire aimer et comprendre à un Occident d'abord rétif, ensuite surpris, et finalement conquis.
A première vue, on peut se demander si le musée n'a pas été tenté de gommer quelque peu la présence des «pères fondateurs», ces explorateurs audacieux qu'on appelle «les fouilleurs». Les salles, en tout cas, ne portent plus leur nom; en particulier, le grand hall consacré à la statuaire khmère a perdu celui de Philippe Stern, qui ramena des pièces exceptionnelles de ses expéditions au Cambodge dans les années 1930, dont cette série unique du début du Xe siècle de la trinité de divinités brahmaniques, retrouvée enterrée près d'Angkor. Certains conservateurs regrettent la disparition du nom de cet esprit savant, qui dirigea le musée de 1954 à 1965: «Ce n'est sans doute qu'une période. Il faut espérer qu'on y reviendra.» «Nous avons voulu montrer que Guimet n'était plus un musée postcolonial», souligne comme en écho Pierre Baptiste, conservateur de l'Asie du Sud-Est. Il évoque aussi la personnalité remarquable de Louis Delaporte qui a introduit l'Occident à l'art khmer.
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