Cela ne pouvait que mal tourner. Tahar Ben Jelloun en était sûr. Dans son dernier roman, il a choisi de raconter la vie d'un de ces 58 militaires, emmurés vivants pendant dix-huit ans par le roi Hassan II dans le bagne de Tazmamart, en plein désert marocain. L'écrivain soupire: «Je savais très bien qu'on me dirait: "ah, tu te la bouclais pendant toutes ces années et maintenant.." C'est vrai qu'à l'époque je n'ai rien fait pour ces hommes». Et maintenant? Neuf ans après la fermeture de la forteresse, Tahar Ben Jelloun se retrouve à son tour pris au piège de Tazmamart.
Chez Pivot. La semaine dernière, deux scènes ont lieu presque en même temps, l'une à Rabat, l'autre à Paris. Invité mercredi par la Fédération des droits de l'homme (FIDH), qui tenait son congrès au Maroc, Ahmed Marzouki, un rescapé du bagne, lance devant une salle bouleversée: «Nous n'avons rien appris d'autre qu'à être militaire et à mourir dans le noir». Il n'évoque même pas son livre, Tazmamart, Cellule 10, le témoignage de sa captivité (lire ci-contre).
Deux jours plus tard, Tahar Ben Jelloun est sur le plateau de Bernard Pivot. Lorsque Bouillon de Culture a lancé ses invitations, avant les fêtes de Noël, aucune polémique n'a encore éclaté autour de son livre Une aveuglante absence de lumière (1). Au contraire. Dans l'imagerie médiatique, cet auteur marocain, installé à Paris depuis 1971, est la figure même du «gentil contre les méchants», l'homme qui a vendu à 400 000 exemplaires le Racisme expliqué à ma fil