A quoi pensent les hommes quand ils sont seuls, s'interrogeait l'écrivain suicidé Stig Dagerman. L'état de solitude est un bon sujet de cinéma parce que le rituel de la projection n'a rien de fusionnel, il est lié à un isolement, fût-il collectif, qui appelle un état de stupeur muette et évacue même l'étape exorciste des applaudissements finals. Si bien que l'on passe de film en film comme on pénétrerait à tâtons à l'intérieur de chambres de plus en plus reculées d'une maison gigogne. On pense à ça en voyant Faites comme si je n'étais pas là, premier long-métrage d'Oliver Jahan qui suit un jeune ado boudeur, Eric, fâché avec un peu tout le monde. Dans une cité, enfermé dans le cube de sa chambrette, il mate avec des jumelles les immeubles d'en face, note les agissements des uns et des autres. Son père est mort, sa mère vit avec un homme qu'Eric ne peut pas sacquer. Morosité d'appartement, rêverie à courte distance, Olivier Jahan installe son film dans cet univers qui n'est pas seulement un constat social, mais aussi un relevé d'humeur noire contem poraine.
Précis de disparition. Progressivement, Eric se fixe sur un couple sexuellement libre et entrevoit dans leurs ébats un affranchissement et même un idéal de vie. C'est Jérémie Renier, découverte de la Promesse des frères Dardenne, qui interprète Eric. Et il tient le film de bout en bout avec un jeu minimaliste, inscrivant les affects en creux: le manque au quotidien. Il est la meilleure part du film, celui avec qui l'on sent