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Libération

La Volksbühne, agitatrice depuis 1992

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Le théâtre berlinois fondé en 1914 incarne l'alternatif.
publié le 17 janvier 2001 à 21h52

Une roue, pareille à une roue de charrette; une roue avec deux sortes de pattes. Dessinée, voire taggée, noir sur blanc. Ou, à l'inverse, blanc sur noir. Ce symbole cabalistique du cercle à six rayons sur petits pieds non nickelés apparut au coin des rues de l'ancien Berlin-Est, l'année 1992, indiquant la direction de la place Rosa-Luxemburg, où la légendaire Volksbühne venait de changer d'intendant et de cap. L'arrivant, Frank Castorf, Berlinois de 41 ans, fort d'avoir vu ses premiers spectacles bannis par la censure de la RDA, commença par ce détail simple et fort: un logo de brigand ­ face à la fine colombe de Picasso choisie par Brecht, autrefois, pour son Berliner Ensemble. Car ce sigle vaguement druidique de la roue à pattes constituait au XVIIe siècle un signe de ralliement pour les bandits, les sans-logis, les asociaux. Il signifiait, en argot: «Va-t'en vite, ici tu es en mauvaise posture.»

Trash. Ainsi Castorf prévenait-il d'avance que nul n'était obligé de fréquenter ce théâtre construit pour les travailleurs en 1914, où Max Reinhardt puis Piscator édifièrent leur gloire, puis qui fut détruit et rebâti en 1954: paquebot stalinien, cuirassé à six colonnes géantes, aux marches, aux sols et aux murs intérieurs recouverts du marbre récupéré dans les ruines de la chancellerie d'Hitler. Autrement dit, toute l'histoire est là, rude à oublier. Or, paradoxe, la Volksbühne, cataloguée d'emblée rock'n'roll, névrose, football, trash, punk et mauvaise humeur, devint immédiatemen