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Libération
Critique

Oliveira, autoportrait via Vieira.

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publié le 17 janvier 2001 à 21h52

On mesurera un jour, le plus tard possible, quelle folie extravagante, extraordinaire, extraterrestre, extra tout court, constitue la carrière «tardive» du cinéaste portugais Manoel de Oliveira, qui vient de fêter ses 92 ans avec un film d'une jeunesse indécente. A bien des égards, Parole et utopie peut en effet se voir comme le coup d'éclat éblouissant d'un provocateur foncier, le caprice d'un cinéaste idéaliste et adolescent, mais aussi comme une manière pour le metteur en scène de rassembler toute son énergie la plus radicale afin d'enfoncer plus profond le poing là où ça fait mal. Ce que Manoel de Oliveira affirme ici, c'est une liberté de ton et d'esprit qui, à force de prosaïsme et de dépouillement, atteint au sublime. D'une certaine façon, c'est un biopic, soit la biographie filmée de celui que Pessoa tenait pour le plus grand auteur portugais du XVIIe, Antonio Vieira (1608-1697), jésuite, prédicateur, diplomate, missionnaire, écrivain, pamphlétaire, théologien et, in fine, libre-penseur, dont l'oeuvre et l'existence ont brillamment conjugué démesure baroque et réflexion humaniste.

Iconoclaste. Le sujet de prédilection de Vieira, ce sont ces Indiens d'Amérique que l'Europe est en train de commencer à asservir. Pour une large part, le film leur est consacré, à travers les écrits qu'ils inspirent à Vieira, religieux voyageur qui va épouser en partie leur cause et introduire auprès des élites de l'époque l'idée que, peut-être, ces créatures de Dieu ne doivent être considé