Au milieu des années 50, l'avant-garde européenne applique le sérialisme à la lettre. Xénakis est-il effrayé par la complexité technique induite par la formalisation intégrale du langage inventé par Schoenberg et Webern à laquelle se livrent les compositeurs de Darmstadt, dont Boulez? Dans un fameux article de 1954 intitulé Critique de la musique sérielle, il stigmatise l'ultradéterminisme sériel, l'échec des combinaisons linéaires et des superpositions polyphoniques à produire des formes parfaites. Et explique ce qui l'a conduit à inventer son propre système de composition «stochastique»: «La polyphonie linéaire se détruit d'elle-même par sa complexité, il y a donc contradiction entre le système polyphonique linéaire et le résultat entendu qui est surface, masse.» La solution? Baser sa technique de composition sur une définition globale des états sonores successifs dont est faite la musique. Et utiliser les probabilités pour calculer dans le détail les coordonnées (temps, hauteur, timbre) de chaque particule sonore isolée, et le passage d'un état à un autre (du discontinu au continu, du désordre à l'ordre), à partir de l'établissement de moyennes. En fait, Xénakis veut traduire le plus précisément et scientifiquement les phénomènes sonores de masse qui l'ont marqué (champ de bataille, foules, nature), établir des lois abstraites les gouvernant en utilisant les distributions stochastiques de Cauchy, logistiques ou exponentielles, mais également la théorie cinétique des gaz,
Portrait
La composition stochastique, un système scientifique.
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par Eric Dahan
publié le 5 février 2001 à 22h36
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