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Libération

A Thomas Bernhard, l'Autriche profanatrice.

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Le pays qu'il haïssait célèbre l'écrivain contre son gré.
publié le 8 février 2001 à 22h43

Vienne de notre correspondant

Pauvre Thomas Bernhard! S'il voyait ce que les fonctionnaires autrichiens s'apprêtent à faire de ses restes, comme il leur cracherait à la figure! Douze ans après la mort de cet écrivain dont toute l'oeuvre exalte une haine viscérale contre son pays, l'Autriche officielle utilise la date anniversaire de ses 70 ans posthumes ­ Bernhard est né le 9 février 1931 ­ pour fêter en grande pompe «ce génie de notre littérature». Celui pour qui les Autrichiens se réduisent à un peuple de «six millions et demi de débiles et de fous furieux», qui n'attendent qu'un nouveau «metteur en scène», rejoint aujourd'hui le panthéon inoffensif des «artistes maudits» et bien utiles au business culturel du pays.

La coïncidence de cette consécration-récupération avec la présence de l'extrême droite au gouvernement est plus que symbolique. En 1986, Bernhard écrivait en effet dans Extinction: «Quelles abominables créatures détiennent aujourd'hui le pouvoir dans cette Autriche! Les gens les plus bas sont en haut à présent. Les plus répugnants et les plus grossiers tiennent tout en main et sont sur le point de détruire tout ce qui représente quelque chose.»

Textes inédits. A l'avant-poste du programme des festivités, Salzbourg, ville bourgeoise s'il en est, dans laquelle le jeune Thomas a enduré toute son enfance les systèmes «catholico-nationalo-socialistes» de ses différents pensionnats. «Salzbourg est une façade perfide [...] derrière laquelle l'esprit (ou l'individu) doit