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Libération
Interview

«Du grotesque au brechtien».

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publié le 20 février 2001 à 23h02

Alain Ollivier explique son actualisation radicale d'une pièce dont Genet lui-même disait en son temps: «J'accepte qu'elle n'ait de sens qu'aujourd'hui.»

«Les Nègres» ne sont-ils pas «datés», en 2001?

Certes Genet désignait ce passage de notre histoire qu'on peut situer entre mai 1954, défaite française au Viêt-nam, et les accords d'Evian de 1962 qui mirent fin à la colonisation. Ce qui est nommé «question noire» est la question que pose le crime du Blanc sur le Nègre. La logique voudrait qu'on la nomme la «question blanche», mais c'est dans la tradition perverse du criminel de désigner sa victime comme responsable du crime. L'asservissement du Noir par le Blanc est le fond de cette pièce que Le Clezio qualifie d'«unique dans le théâtre français». Genet, dans la dernière partie, plus froide, fait entendre ses idées sur l'attitude des administrateurs coloniaux, du clergé, et de toute cette conception de l'Empire français dont le ministre des Colonies, Georges Mendel, s'était soucié en 1940, au point de faire réaliser une vaste étude sur le sujet. En 1959, les esprits étaient mobilisés, militants, après plus de deux siècles de domination sans états d'âme ­ ou même bien plus longtemps, si l'on remonte aux conquêtes portugaises et espagnoles. C'est une réalité de l'histoire. Un tel passif ne peut être «daté», obsolète. Alors, jouer les Nègres, devoir de mémoire?

Il y a donc dans le style des «Nègres» comme un parfum d'antan, révolu mais toujours captivant?

La pièce se construit au f