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Libération
Critique

La belle audace de «Bérénice»

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publié le 23 février 2001 à 23h08

Soudain, la robe verte tressaille. Juste une secousse, un corps qui ondule, rien qu'une fraction de seconde, comme un électrochoc qui accompagnerait le cri de la Reine quand elle apprend la trahison de Titus: «Nous séparer?» Puis Tal Beit-Halachmi, qui interprète Bérénice, retrouve l'immobilité. Mais, longtemps après la représentation, il suffit de fermer les yeux pour que ressurgisse la flamme verte. Tal Beit-Halachmi est danseuse; et israélienne, ce qui n'est pas tout à fait innocent quand il s'agit de jouer la Reine de Palestine dont Racine imagina les amours. Danseuse et pas actrice, c'est pourquoi son mouvement s'imprime aussi fort, telle une virgule de grâce.

On croit s'aventurer en terrain balisé: Bérénice, alexandrins, souvenirs scolaires, amour ou devoir, chef-d'oeuvre, trio tragique... et l'on s'embarque pour un voyage où les repères s'effacent. Frédéric Fisbach est metteur en scène après avoir été acteur, compagnon de route de Stanislas Nordey. Bernardo Montet est chorégraphe et voyageur, de Japon en Afrique. Ils se sont rencontrés au Quartz de Brest où ils ont créé leurs précédents spectacles. Ensemble, ils ont fait le pari de travailler sur Bérénice (1). Avec des contraintes (respect du texte, mélange entre acteurs et danseurs ), mais sans savoir où leur cap les entraînerait. Aujourd'hui, le résultat est là, insolite, fragile, souvent extraordinaire. Il ne s'agit ni d'une chorégraphie sur des mots, ni de théâtre avec des intermèdes dansés, plutôt d'une traversée