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Libération
Critique

Le chant grave de «Crave».

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A Paris, la dernière pièce de l'Anglaise Sarah Kane.
publié le 12 mars 2001 à 23h57

Crave (Manque), dernier texte de Sarah Kane, fut créé en août 1998 au Festival d'Edimbourg, quelques mois avant le suicide de l'auteur à Londres, le 20 février 1999. Suicide dont la «cause» est très précisément décrite dans une réplique de la pièce: «Elle met un terme à cette comédie grotesque de toujours tenir bon jusqu'à la semaine prochaine pour tenter d'esquiver le fait qu'elle ne sait absolument pas comment elle va tenir les quarante prochaines années.» Cet humour du désespoir imprègne tout le texte. Crave est un poème d'après la tempête; tout est brisé mais la mer est calme et il est impossible de revenir en arrière. L'inventaire des douleurs n'est plus un cri mais un chant; les corps violés, éventrés, dévorés, sont devenus des souvenirs. C'est ce calme et ce chant que Jean-Marie Patte met en scène au Théâtre de la Bastille.

Ballet d'âmes. Au sol, un parterre de bougies que les quatre comédiens (Astrid Bas, Elsa Bosc, Sébastien Bravart et Marc Toupence) allumeront tout au long du spectacle, tels des silhouettes s'affairant lentement dans la pénombre, officiants d'une cérémonie nocturne qui pourrait ressembler à une Fête des morts dans un cimetière mexicain, ou à un ballet d'âmes au purgatoire. Nulle grandiloquence pour autant, les mouvements sont à la fois fluides et ordinaires, les acteurs ne rajoutent rien aux mots, n'inventent pas de situations; ils sont plutôt des chanteurs derrière une partition, attentifs aux notes et au rythme. Crave n'est pas une pièce à personn