La pop music, c'est cet instant béni où toute l'existence semble contenue et définie par une mélodie, une énergie, un rythme, des mots et des sons enchevêtrés, tourbillon érotique qui exprime, en même temps que le bonheur, sa nostalgie. On en jouit dans l'allégresse, mais on le pleure déjà, spleen délicieux que l'on n'aura de cesse de repasser indéfiniment sur le juke-box de notre intimité.
La pop music, temporellement, c'est ce moment où le monde en noir et blanc de l'après-guerre s'est paré de couleurs, où les corps meurtris et frustrés se sont ouverts au plaisir, où les garçons féminisés et les filles libérées se sont retrouvés, où les cultures des populations séparées par le colonialisme et la ségrégation se sont mélangées, où la jeunesse s'est pour la première fois imposée. On se tient la main, on s'embrasse et se caresse; comme Michel Polnareff, on veut: «Simplement faire l'amour avec toi», on se ressemble tellement on peut tomber amoureux de presque tout le monde: c'est un monde de désir pur, sans vice ni morbidité, une envie d'être ensemble.
Non conformistes. En Angleterre, où elle est née, la pop music a couvé dans les art schools des années 50, ces écoles accessibles à toutes les classes. Elles ont permis l'éducation, mais aussi l'éclosion de talents non conformistes, tels John Lennon, Brian Jones, Mick Jagger, Pete Townshend, Ray Davies, Eric Clapton, Syd Barrett, Robert Wyatt, David Bowie, Bryan Ferry, Robert Smith... qui allaient bientôt changer l'histoire du mond