De la part de Benno Besson, dernier dinosaure de l'ère brechtienne, on pouvait s'attendre à une mise en scène de gardien du temple. C'est tout le contraire. L'homme de théâtre suisse qui remonte ici le Cercle de craie caucasien, qu'il avait créé au Festival d'Avignon en 1978, prend même des libertés avec le texte en faisant carrément sauter la première scène. Celle où, au milieu des ruines d'un bombardement, les délégués de deux kolkhozes se disputent un lopin de terre et en appellent au théâtre pour les départager.
Jugement de Salomon. Exit le bon vieux procédé de théâtre dans le théâtre, pour entrer directement dans le jeu de masques et de chants. L'histoire est donc celle de Groucha, servante du gouverneur Abashvili qui, au cours d'une insurrection, se retrouve seule dans la ville à feu et à sang avec l'«auguste enfant» du pouvoir en fuite. Saisie par la terrible «tentation de la bonté», elle se sacrifie pour le sauver et l'élever. Lorsque, des années plus tard, la femme du gouverneur réclame son fils, Groucha refuse. L'épreuve du cercle de craie lui donne raison, à rebours du jugement de Salomon dont le dénouement est en partie inspiré.
Avec la disparition du prologue, le metteur en scène ne casse pas le ressort didactique du texte ni sa charge politique , mais il dépasse le contexte marxiste de l'oeuvre (écrite en 1944), pour l'amener aux côtés de Shakespeare et des tragiques grecs à une dimension plus universelle. Besson renoue avec la fable populaire et le théâtre de