Il porte en lui toute la tristesse du monde, traversant l'existence tel un zombie christique muni de sa six cordes cruciforme. Superstar planétaire à son corps défendant, Eric Patrick Clapton, dit «God», se révèle au fond plus proche des personnages sentimentalement atrophiés chers au cinéaste anglais Ken Loach que des pensionnaires comblés de ce dérisoire «Rock and Roll Hall of Fame» où il a été trois fois intronisé: au nom des Yarbirds psychédéliques, du power trio Cream, et à titre personnel.
Traumatisme. Né à Ripley, Sussex, le 30 mars 1945, sous le signe du mensonge (à 15 ans, il a appris que ceux qu'ils prenaient pour ses parents étaient ses grands-parents et que sa prétendue soeur était en fait sa mère), Eric Clapton a subi là un traumatisme affectif primal dont il aura le plus grand mal à se débarrasser, et qui le poussera, au sortir d'une adolescence tourmentée, à abuser des drogues «dures» et des alcools doux. Même sa vie amoureuse tourne bientôt au cauchemar puisque, séduit par l'épouse de son meilleur ami, le soliste des Beatles George Harrison, il finira par trahir la confiance de celui-ci, se carapatant avec l'inspiratrice de son célèbre Layla. Beau joueur, Harrison, converti Hare Krishna, la figure transpercée d'aiguilles, absoudra l'infidèle, via sa reprise aménagée du standard pop Bye Bye Love, mettant en scène le couple adultérin: «I hope she's happy and old Clapper' too.»
Mais bien plus que cette passion seventies qui finira en eau de boudin, que cet ulcère