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Libération
Critique

Petits princes de Casablanca.

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publié le 21 mars 2001 à 0h08

Il se cache toujours deux films dans le cinéma de Nabil Ayouch. Dans son premier long métrage, Mektoub, il abandonnait un scénario vaguement hitchcockien et plutôt convenu pour renouer avec le Maroc de ses origines. Le film était bancal mais prometteur en ce qu'il signait les retrouvailles du cinéma marocain avec le réel.

Dans Ali Zaoua, prince de la rue, le processus s'inverse: il commence en embrassant la réalité du Maroc dans ce qu'elle a de plus profond, de plus ingrat et inavouable ­ l'errance et l'abandon des gamins livrés à eux-mêmes dans les rues, accrochés à leur colle ­ pour, à mi-chemin, leur proposer une fuite assumée vers les volutes de l'onirisme oriental qui surprendra ceux qui ne sont pas habitués aux rêveries propres aux contes arabes.

Pourtant, et à bien y regarder, le regard du cinéaste est resté le même tout au long du film. Certes, son matériau de base est documentaire: c'est une terre glaise épineuse, rêche, sur laquelle tout le monde à Casablanca bute, et sur laquelle pourtant il travaille avec une écoute attentive et une volonté de s'affranchir un territoire au-delà de la distance qui existera toujours entre eux (les gosses) et nous (les civils). Ayouch, il le sait, passe après les morceaux de bravoure de Buñuel ou de Pasolini. Ses paupières à lui sont volontairement douces. Il s'écarte de ce qui pourrait tenir du seul registre de la cruauté pour aller à la poursuite de la part d'enfance, la plus enfouie chez ces gosses. Parti pris casse-gueule, assumé,