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Libération
Critique

La folie siamoise selon Alfredo Arias

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publié le 29 mars 2001 à 0h14

On ne sort jamais de l'humiliation: on fabrique une névrose avec, et on brûle dedans. Parfois, un jour, on tue ou on en meurt. Les Bonnes de Jean Genet est une histoire d'humiliation et de folie. La pièce a été créée en 1946 par Louis Jouvet (patron de l'Athénée). Alors inconnu du grand public, Genet s'est inspiré de l'affaire des soeurs Papin. Jouvet lui fit réécrire l'oeuvre. Cocteau suggéra la fin actuelle, tragique et messianique. Jouvet, qui y voyait une «tragédie de confidentes», la monta en première partie de l'Apollon de Bellac, de Giraudoux: Genet lui reprocha de «parisienner» son oeuvre. Tel quel, cet acte unique reste parfait: tendu comme un garrot sur le cou du langage et des soeurs.

Jeu masochiste. Claire est la cadette et Solange, l'aînée. Chacune est menottée dans l'étouffant reflet de l'autre. Des jumelles de misère, qui déploient leur folie en tenant des rôles dans l'ombre de leur belle patronne. Claire joue Madame, Solange joue Claire. Claire-Madame maltraite Solange-Claire, qui tente de mimer l'étranglement. Jeu masochiste. Les bonnes ne savent plus où elles en sont, ni qui elles sont: elles se dévorent dans le rituel de leur malheur siamois. Alors, Madame entre.

Sans doute haïssent-elles cette femme, riche et vide ­ qui leur offre une robe et un renard dont elle ne veut plus et leur dit: «Vous avez de la chance qu'on vous donne des robes. Moi, si j'en veux, je dois les acheter.» Mais elles se haïssent surtout elles-mêmes: l'une dans l'autre. Un échange le r