Si l'on excepte le carnaval de Rio, quelques sujets végétaux et des portraits de gens du spectacle, Alair Gomes (1921-1992) n'a photographié que des hommes. Plutôt bien bâtis, et tous très jeunes, parfois en maillot de bain et souvent nus, saisis du haut de son sixième étage au téléobjectif ou de si près qu'on peut compter les poils pubiens à l'oeil nu. Ce sont ces inconnus devenus des icônes érotiques qu'il est aujourd'hui possible d'apprécier de visu, disposés en rang serré selon les indications mêmes de l'auteur, et qui pourraient apparaître comme une réserve de chair fraîche s'il n'y avait, derrière cette obsession apollinienne, une interrogation sur la représentation du nu masculin. «Le "nu artistique" doit avoir un phallus mou», écrivit ainsi Gomes en 1983, s'accordant à définir le nu respectable de la tradition avant de livrer son propre secret, antagonique: «Aucun facteur indépendant de raffinement, d'invention ou de stigmatisation socioculturelle, ne vient justifier mon choix du nu érotique. C'est un simple émerveillement, lascif ou non, qui m'a tout d'abord conduit à choisir ce sujet. Et j'ai même photographié un grand nombre de phallus en érection, éclatant dans ce qui est, pour moi, toute leur gloire.»
Par milliers. Pour cet idéal du beau masculin, Gomes était prêt à tout, y compris à agir comme un paparazzo. De son appartement surplombant la plage d'Ipanema, non loin de Copacabana, au sud de Rio, il saisit uniquement les baigneurs, et l'on a l'impression que tout