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Libération

Les pages tourmentées d'une bibliothèque russe.

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L'institution créée à Paris par Tourgueniev attend la restitution de ses fonds.
publié le 19 avril 2001 à 0h31

En novembre 1875, Tourgueniev achète un domaine à Bougival pour son amie Pauline Viardot. Les Viardot vivent dans la grande maison, l'écrivain russe s'aménage pour lui un «chalet», devenu aujourd'hui un musée Tourgueniev (lire ci-contre). Trois mois plus tard, une première matinée littéraire et musicale est donnée chez Pauline Viardot, puis une seconde (Pauline chante, Anton Rubinstein est au piano, Zola lit, etc.) pour financer la création à Paris d'une bibliothèque russe qui deviendra, après la mort de l'écrivain, la bibliothèque Tourgueniev. Laquelle fut et reste «la» bibliothèque de l'émigration russe. L'idée avait été suggérée à Tourgueniev par un jeune nihiliste contraint à l'exil, Herman Lopatine.

Livres envolés. En 1900 la bibliothèque compte 3 500 volumes, en 1925 il y en a dix fois plus. De Berberova à Tsvetaeva, bien des Russes émigrés viendront emprunter des livres dans cette précieuse officine qui change plusieurs fois d'adresse sans jamais trop s'éloigner du Quartier latin. En 1939, sise 13, rue de la Bûcherie (un local attribué par la préfecture de la Seine deux ans plus tôt), la bibliothèque Tourgueniev compte près de 100 000 volumes, tous fruit de dons. En septembre 1940, dans Paris occupé, l'Allemand Rosenberg met la main sur ce trésor. Dans 900 caisses, la bibliothèque part pour l'Allemagne. Et disparaît.

Une partie semble avoir brûlé à Berlin. Un soldat russe de l'armée Rouge ramassa même un livre encore intact (un catalogue de l'Ermitage) portant l'estampi