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Libération
Critique

Broodthaers artiste dissolu.

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Epoustouflante rétrospective du plasticien belge à Bruxelles.
publié le 28 avril 2001 à 0h36

envoyée spéciale à Bruxelles

Marcel Brood thaers est une énigme. Depuis sa mort en 1976, à 52 ans, l'artiste bruxellois, panthéonisé par les amateurs d'art à l'égal de l'autre Marcel (Duchamp), reste toujours inconnu aux yeux d'un public moins averti. Est-ce à cause de son nom imprononçable, la redondance des deux «o» suivi du «th» donnant un air anglais à un patronyme se terminant par l'«ers» belge?

A voir l'exposition époustouflante du palais des Beaux-Arts de Bruxelles, lieu mythique pour qui veut sacrifier au culte Broodthaers (il y fut lui-même visiteur, puis conférencier; il l'occupa en mai 1968 et y exposa), on peut formuler une autre hypothèse. L'oeuvre considérable de Broodthaers ne fait jamais «art». Multiforme, elle ne ressemble à rien de conventionnel. A l'image du chameau que Marcel Broodthaers exigea de faire entrer dans ce même palais des Beaux-Arts en 1974. Sa photo, en compagnie de l'artiste, y trône en exergue.

L'art de Broodthaers est vraiment accessible à tous, pour peu qu'on veuille bien s'essuyer les pieds sur le paillasson du sérieux, de la pompe et des circonstances qui s'attachent souvent à l'esthétique. Car plus que tout autre, Broodthaers s'est manifestement appliqué, dans son travail artistique, à miner le terrain de l'art.

Prenons la première oeuvre de l'exposition, le désopilant film la Pluie (projet pour un texte), 1969. Le personnage de Marcel Broodthaers, vu d'en haut, écrit penché sur une feuille, la pluie battante diluant toute son encre au fur