Sanam est souterrain. Construit par petites unités secrètes, miniatures couleur de sang, brodées autour de la personne d'un garçon de huit ans, en butte contre tout, entêté dans la haine du monde et dans une soif de justice, entretenant avec la société et les institutions iraniennes (l'école, la loi) une politique de la terre brûlée. Le garçon ne s'appelle pas Sanam, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Mais Issa, ce qui en farsi signifie Jésus. Un Jésus cheveux bouclés, la peau mate recouverte de terre, évidement sans père puisque celui-ci a été abattu sous ses yeux, prétendument pour avoir volé un cheval.
Sanam, c'est le prénom de la mère qui élèvera désormais seule son fils, telle une vierge à l'enfant. Cette mère, et c'est là la première surprise de ce film piégé, Sanam n'en fait pas le portrait. Ce nom de mère vaut surtout pour le metteur en scène Rafi Pitts comme ce point hors-champ depuis lequel on regardera Issa. Sanam signifie dès lors le regard. Plus exactement le relais, puisque le film invite chacun de ses spectateurs à devenir ce regard de mère pour vivre sous la dictée de cet enfant et de sa révolte, recevoir de sa part une expérience physique, faite de baffes mais aussi de gratitude et de force.
Virulence. Sanam fait donc chaîne. Mais une chaîne parfois lacunaire, paranoïaque et entrecoupée de trouées d'air pur, de relâchements (extraordinaires improvisations où le gosse déborde complètement un vieux berger qui lui refile sur la vie deux-trois conseils).