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Libération
Critique

La leçon du doyen Oliveira

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Comment continuer à exister quand les proches disparaissent et que le corps s'use.
publié le 14 mai 2001 à 0h51

On peut le déplorer, trouver ça injuste, mais, dans un domaine pourtant aussi aléatoire et peu scientifique que l'art, il existe une règle intangible: les plus grands cinéastes ont plus de chance que les autres de réussir les plus grands films. Au risque d'être prévisible, on est donc encore ébloui par le nouveau film de Manoel de Oliveira et, cette fois, peut-être même un peu plus que par les autres.

Défait de tout. Ce «je», qui rentre à la maison, est un grand comédien mûrissant, qui joue Ionesco et Shakespeare sur les planches, refuse de tourner des séries télévisées populaires mais accepte un second rôle dans un gros film américain culturel adaptant l'Ulysse de Joyce. Pas tout à fait Michel Piccoli lui-même, mais pas non plus tout à fait un autre, tant l'autorité intellectuelle et l'aura conférées par Oliveira à son personnage sont largement nourries par celles de Piccoli, rarement aussi émouvant dans une composition tenue de bout en bout. A l'issue d'une représentation du Roi se meurt d'Eugène Ionesco, le grand comédien apprend brutalement que sa famille a trouvé la mort dans un accident de voiture. Une ellipse retrouve le personnage, quelques mois plus tard, ayant amorcé son lent travail de deuil.

Usure de l'existence. Je rentre à la maison parle de la fatigue d'avoir à continuer d'exister malgré tout. Malgré la disparition de tous ceux qui ont peuplé sa vie, malgré l'usure de son enveloppe physique qui rend difficile le moindre déplacement, mais aussi celle de la mémoir