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Libération

Le «Voyage au bout de la nuit» resurgit de l'ombre.

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Retrouvé par un libraire parisien, le manuscrit original du roman de Céline est mis en vente aujourd'hui.
publié le 15 mai 2001 à 0h52

Comme une bonne grosse boîte d'archives, mais singulièrement épaisse. Mise en vente exceptionnelle ce mardi. Rien d'autre, à première vue, qu'un dossier de rangement, là, sur la table où un chat vient de grimper. Et Pierre Berès, le grand et mythique libraire, d'écarter gentiment de l'objet l'animal noir, conviant tout aussi aimablement l'invitée à consulter la chose aussi longtemps qu'il lui plaira. Il ouvre la boîte, puis entrouvre une chemise de toile. Et vous saute aux yeux le titre, écrit en violet sombre: Voyage au bout de la nuit.

L'auteur a tracé ces mots, résolument, sur la page de garde fatiguée de format 21 x 27; il a aussi souligné: «SEUL MANUSCRIT». Suit son nom: «L. F. Céline», puis l'adresse: «98, rue Lepic.» Cela débute juste en dessous: premier chapitre enclos dans une fine sous-chemise bleue, les doigts tremblent un peu d'oser toucher... «Ça a commencé comme ça. Moi, j'avais jamais rien dit. Rien. C'est Bardamu qui m'a fait parler, c'était un médecin lui aussi, un confrère. Il me rencontre place Clichy. C'était après le déjeuner. Il veut me parler. Je l'écoute. Restons pas dehors qu'il me dit [...].»

Ecriture sismique. La première page est impeccable, pas une rature: du méticuleusement recopié. Ecriture presque ronde, sage, quasi féminine. Et des points d'exclamations nets, vivaces, comme des soupirs qu'un léger blanc chaque fois prolonge. Plus loin, au fil des feuilles volantes et des cinquante chapitres qui font 876 pages, on verra le tracé des mots, le jet