Dans l'ordre alphabétique du catalogue de 303 manuscrits et lettres autographes mis aux enchères mardi à Drouot-Montaigne, les 876 feuillets rédigés à l'encre noire ou bleu noir par Louis-Ferdinand Céline (version initiale, inconnue à ce jour, du Voyage au bout de la nuit) sont arrivés dans leur volumineuse boîte en peau de porc vers 15 h 15. Après des lettres d'Artaud, Balzac, Bartok et Baudelaire, quelques mesures signées Beethoven, un texte de Bergson et des petits mots de Léon Bloy (à un ami, à qui il raconte ne plus avoir de chemise à se mettre et se souvenir d'une occasion de liquettes à 3 francs la demi-douzaine)... la foule attendait le clou.
Record littéraire. Les photographes, équipes de télévision, rêveurs de chimères, enchérisseurs patentés de la librairie Vrin, marchands représentant leurs collectionneurs, avocats notoires, financiers soudain présumés «orientaux», tout ce public a donc bien eu droit à un record. Jamais atteint en matière de manuscrit littéraire.
Un de ces silences de frissonnant suspense et d'insolite émotion s'est installé quand Pierre Berès, expert avec Thierry Bodin, a lu son bref descriptif du trésor retrouvé. (Libération du 15 mai).
Les 3,5 millions de francs de la mise à prix à peine annoncés, des voix assez blanches, et d'autres plus neutres relayant des ordres téléphonés, en étaient déjà à grimper au-delà de 7 7 millions. C'est allé très vite, comme le style crawlé de Céline. A 9 millions , l'électricité dans l'air s'est faite palpable