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Libération
Critique

Outre-père.

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Documentaire sur la quête d'un Français né d'un soldat américain et inconnu.
publié le 16 mai 2001 à 0h53

Après les Corps ouverts, les Terres froides et Presque rien, Sébastien Lifshitz a momentanément abandonné le terrain de la fiction au profit du documentaire pour tourner la Traversée. Un projet fondé sur le désir de son ami Stéphane Bouquet (qui collabore régulièrement au cahier Livres de Libération) de partir à la recherche de son père, un Américain qu'il n'a jamais connu. Quand sa mère le rencontra en 1966, cet homme de 21 ans était soldat sur la base militaire américaine d'Orléans. Elle tombe enceinte, lui retraverse l'Atlantique et ne donne plus signe de vie. A sa place, un manque, une «coquille vide» que l'orphelin remplit vaille que vaille de fictions plus ou moins fantaisistes. Il s'invente un frère beau et aimant, son père est chirurgien à New York.

Le voyage aux origines perdues aboutira à une autre version des faits, dans un bled où la part du mystère de ce qui fonde la filiation, loin de se résoudre, s'épaissit encore.

Matériau intime. Le film est tendu par cette quête qui n'a peut-être pour le principal intéressé, ce fils dévoré peu à peu par la mère délaissée, qu'une puissance subsidiaire. On ne fera pas le tour de la douleur, tout juste peut-on lui trouver fugitivement une forme.

Sébastien Lifschitz compose avec ce matériau intime, que Stéphane Bouquet qualifie à plusieurs reprises d'«exhibitionniste», un film tour à tour heurté et contemplatif. Une séquence sur une magnifique chanson d'Emmilou Harris (Je sais tout) crève la dense texture des émotions retenues le