Quarante ans après leurs débuts, les Straub continuent de faire peur. Sicilia!, leur précédent film, sélectionné pour Un certain regard il y a deux ans, avait recueilli à sa sortie une manière de succès public (on parle de 15 000 entrées en France) et on s’était mis à penser que quelque chose chez le couple marxiste s’était réconcilié avec l’auditoire, la fameuse Internationale straubienne se renforçant de nombreux curieux qui avaient trouvé en la sicilienne parole adaptée de l’écrivain Elio Vittorini une belle récompense.
Force tranquille. Le nouvel Operai, contadini (Ouvriers, paysans) on mesure l’anachronisme admirable de ce titre en pleine mode bobo, qui résonne comme manifeste de toute leur oeuvre a été, de par sa prétendue âpreté, repêché par la Quinzaine des réalisateurs. De fait, on imagine mal le petit monde festivalier affrontant un tel bloc de force intranquille après avoir gravi en smoking les marches du palais. Et si les Straub ont toujours porté la réputation de faire leurs films contre le monde entier, Ouvriers, paysans démontre combien, face au «succès», les Straub sont tout aussi capables de se retourner sur eux-mêmes, d’aller à l’encontre de tout accord, d’envisager tel un magistral malentendu cette soudaine entente avec l’époque.
Si les Straub renversent la tangente, ils le font avec les armes qui leur valurent des louanges l'an passé: le tempo doux récemment acquis, la musique de la langue italienne et un texte adapté d'un fragment de Vittorini,