Rappel des faits: Mulholland Drive devait être une série télé pour la chaîne câblé ABC. Lynch avait carte blanche pour écrire et tourner le pilote devant servir de rampe de lancement à ce nouveau Twin Peaks composé de multiples personnages et d’intrigues de plus en plus complexes. Les relations entre Lynch et les décideurs de la chaîne se sont très vite envenimées: ils réclamaient à chaque projection des éclaircissements que le cinéaste se refusait à leur donner. Aussi ABC décida-t-elle abruptement d’arrêter les frais et de tuer le bébé-monstre dans l’oeuf. Il a fallu l’intervention des productions Alain Sarde et du Studio Canal pour que Lynch accepte de tourner des scènes supplémentaires et de remonter Mulholland Drive pour le cinéma.
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Le film résultant de ce processus compliqué – double tournage à plusieurs mois d’intervalles, nécessité de ramasser l’intrigue en 2 h 30 – est le genre de dope qui pourrait bien, à plus ou moins brève échéance, nous fusiller définitivement la cafetière. Histoire, rêve, abstraction, la triade sacrée de Lynch est à la fois le thème et le vecteur du film, comme si les images sous nos yeux se mettaient à délirer leur identité, se comparant, se superposant, s’annulant, se déchirant les unes des autres, d’abor