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Libération

Choix un peu gauches.

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publié le 18 mai 2001 à 0h54

Le cinéma est-il de gauche? Ou plutôt: le cinéma doit-il être de gauche pour avoir sa chance à Cannes? Une rumeur insistante colporte, en tout cas, l'idée que si le dernier film de Eric Rohmer, l'Anglaise et le Duc, n'a pas été sélectionné pour la compétition officielle, c'est qu'il était trop manifestement réactionnaire, et singulièrement royaliste. Récit exogène sur la Révolution française vécue par une ressortissante de la perfide Albion, l'Anglaise et le Duc ne nous était jusqu'ici connu que pour l'invention technologique qui a présidé à sa réalisation. Tourné en numérique et composé par incrustation des personnages dans des décors ou des tableaux, ce film pour l'instant invisible promettait d'être au minimum une surprise esthétique, par laquelle le vieux maître de la Nouvelle Vague apportait son grain de sel à la question déjà très affadie du renouvellement du cinéma par le DV. Naturellement, on s'amusait aussi de l'idée que Rohmer saurait trouver dans sa malice coutumière toutes les ressources nécessaires pour mettre les procédés high-tech dernier cri au service d'un projet éminemment rétro. Là où l'imaginaire hollywoodien ne conçoit la technologie que sous l'angle de son potentiel futuriste, Rohmer renverse la vapeur et ne fait carburer les techniques d'avenir que pour mieux filer vers le plus lointain passé.

Comme, de surcroît, Eric Rohmer est déjà l'auteur d'un Perceval le Gallois de carton-pâte tourné en 1978 qui empruntait ses codes visuels à la peinture médiévale