On craint toujours un peu de rencontrer Nanni Moretti. Parce qu'il a mêlé sa vie privée à ses films, et qu'on se souvient d'une saynète cuisante dans Palombella rossa où, excédé par les questions idiotes d'une journaliste, il lui en retournait une. Le remake n'aura pas lieu. Moretti, bel homme de 48 ans, est charmant, impeccablement vêtu d'un costume en velours bleu marine et d'une chemise aubergine coordonnée à ses chaussettes. Le chic italien n'est pas une légende. La classe de Moretti non plus qui, d'un coup d'oeil discret, vérifie, de la tête aux pieds, comment ses intervieweurs sont eux-mêmes habillés.
Sa voix cassée de non-fumeur est un personnage à part entière. Chat dans la gorge permanent qui serait comme son mégaphone. La voix de Moretti qui s'exprime et Nanni qui, de tout son corps, n'en pense pas moins. Par exemple quand il s'inquiète du toc-toc intempestif de notre magnétophone antique: «Ça va durer tout le temps ce bruit?»
Au feu roulant des questions, il est difficile de le faire dévier de l'autoroute des réponses où il a décidé de nous entraîner à toute vitesse. Il est vrai que, ce jour-là, à Paris, plus de quinze jours avant le début du Festival de Cannes, les lois de la promotion sont telles («au suivant!») qu'on imagine qu'on n'est ni les premiers ni les derniers à lui déverser le même tombereau de curiosités. Si Moretti feint de s'y intéresser comme si c'était la première fois, ça ne se voit pas. A moins qu'à force de presser le citron des mêmes idées, il a