Menu
Libération
Interview

Exilé sur sa terre.

Article réservé aux abonnés
publié le 18 mai 2001 à 0h54

Il vient de Nazareth mais il n'est pas Jésus-Christ. «Lui et moi, on a beaucoup de différences. Pendant le tournage, Dieu me disait: "Je ne suis pas avec toi, prends plutôt le soleil."» Elia Suleiman a pris le soleil mais il n'a eu ni l'espace ni le temps nécessaires pour achever dans les délais son nouveau long métrage.

Le réalisateur de Chronique d'une disparition préparait son second film à Bethléem quand, fin septembre, l'Intifada a éclaté. Il était à Nazareth quand, début octobre, les soldats israéliens ont tiré sur des manifestants arabes israéliens qui auraient pu être ses petits frères. Il aurait pu hurler, se révolter, il a préféré empiler cette souffrance-là sur toutes les autres. Même avec le recul, lui si éloquent éprouve du mal à parler. Il ouvre la bouche mais aucun son ne sort, juste les yeux qui s'embuent.

Comme une parabole. Pourtant, Elia Suleiman savait. Il n'est pas Jésus-Christ peut-être, mais il a quelque chose d'un prophète. Il suffit de voir son dernier court métrage, Cyber Palestine, projeté cette semaine à Cannes pendant la Quinzaine des réalisateurs. Tourné début 2000 en deux jours, avec un budget de 15 000 dollars (17 000 euros), ce film dit tout: l'enfermement et la détermination à le rompre par tous les moyens, la haine et le sentiment d'exil sur sa propre terre.

«Pendant tout ce temps où Israël a pensé que le temps allait effacer les blessures, les Palestiniens ont fait travailler leur mémoire», dit-il. Lui ne cesse de faire travailler la sienne,