Une roche peinte dont on aurait gratté le revêtement par couches pour retrouver le grain : c'est la voix de Jacky Micaelli, de terre et de feu. Cette femme corse à forte carrure chante avec une foi de résistante.
Collectées comme témoignage d'une culture tombée en désuétude, les polyphonies corses sont vivement réapparues dans les années 60, avec l'émergence d'une prise de conscience politique, la naissance des premiers mouvements régionalistes et l'enseignement de la langue insulaire dans les écoles. Mais le genre était l'apanage du sexe masculin.
Complaintes. De tradition, les voceratrices n'étaient guère sorties des maisons plongées dans l'obscurité où, sombrement apprêtées, elles accompagnaient de complaintes amoureuses, mélodies funèbres et appels à la vengeance les corps frappés d'une mort violente. Jacky Micaelli chante comme un lamentu la disparition de son amie Agata Luciani (avec laquelle elle a fondé l'ensemble féminin Donnisulana, à la fin des années 80) dans un nouvel album dédié à son père décédé peu avant l'enregistrement : «Cet homme qui écoutait mon chant les mains croisées, sans mots, sans bruit, ses yeux bleus me disaient alors : "Chante, chante encore..."»
Il lui avait offert sa première guitare à 10 ans, mais elle se sentait déjà appelée par le chant. Née rue Saint-Joseph à Bastia, elle a d'abord retenu les airs de Dalida, d'Amalia Rodriguez ou de Gloria Lasso que lui fredonnait sa mère. A 16 ans, elle hésite à devenir religieuse. Finalement mariée, deux e