Un homme presse le pas, remontant nez baissé les allées d'un jardin à la française, un Leica pendu au-devant de la poitrine. Autour, la végétation est inerte, figée dans une chaleur surprenante. Il vient de saisir sur négatif argentique les Tindersticks, en concert le même soir au Botanique de Bruxelles pour célébrer tout à la fois leurs dix ans, la sortie de leur dernier album et leur nouvelle collaboration avec la cinéaste Claire Denis. L'homme regarde maintenant son ombre : «Ces types-là sont des pierres», glisse-t-il.
Mutisme contemplatif. Photos aux tons grisâtres, collages approximatifs : la carrière est résumée dans une exposition accrochée aux murs du centre culturel de la ville. Stuart Staples, le chanteur, au cours d'une séance d'essayage chez le tailleur. Puis Stuart et son chat, Stuart et un couple d'ânes, les chaussures de Stuart. Toujours, la mine est figée, l'air presque chevalin, poupon avec de belles joues, l'opulente chevelure de vieux-beau coiffée en arrière, le visage parfois éclairci d'un large sourire qui s'efface à peine paru. Les autres Neil Fraser (guitares), Mark Colwill (basse), Dickon Hinchcliffe (violon électrique-guitare wah wah-cordes et cuivres), David Boulter (orgue-Fender rhodes- percussions), Al Macauley (batterie-percussions-poses jazzy) demeurent souvent statiques en arrière-plan, confits dans un mutisme contemplatif. Le soir, sur scène, la gestuelle s'affecte, les regards mi-clos et la main sur le coeur, en pleine souffrance. Du derni