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Critique

Luigi Ghirri le point à la ligne

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Géomètre diplômé, ce photographe italien a consacré son oeuvre à enregistrer des lieux de manière clinique, presque monomaniaque. Jusqu'au 10 juin, l'Hôtel de Sully rend hommage à celui dont les photos se confondent parfois avec des toiles.
publié le 8 juin 2001 à 1h11

Trani, 1982. Devant une mer bleu d'agate rejoignant le ciel, un muret blanc trace un rang en bas de l'image. L'incandescence des lumières ajoute au relief de la scène. La ligne de cette barrière de marbre répond à celle de l'horizon. La blancheur des pierres construit un cadre dans l'image donnant sur la mer, instaurant une distance. Il n'y a déjà plus rien à voir: pas une silhouette, pas un mouvement. Sur la photo suivante prise à Bologne en 1986, une station-service est saisie peu avant la pénombre. Une voiture est garée là, le capot ouvert, sous les néons diffusant un halo cramoisi. Sur le côté tout juste aperçoit-on le propriétaire de l'auto. Cette aire de bitume, contre-plan d'une immensité maritime, aurait pu être prise au fin fond de l'Arizona, sur une route paumée, par un type hagard ou lassé, comme Eggelston, ou Robert Franck en noir et blanc.

Lorsque Luigi Ghirri réalise ses premières prises de vue dans les années 60, c'est un jeune homme tout juste diplômé géomètre. Ce détail renseigne sur l'homme, ou sur une démarche photographique qui fit de lui un fin adepte des relevés topographiques. Comme une cartographie du réel sans cesse retouchée, ses images s'insèrent dans un ensemble cohérent et surtout méticuleux d'un enregistrement des lieux (urbains, ruraux) confinant presque à la monomanie. Il y a bien d'autres séries que Ghirri eut l'occasion de faire pour des campagnes de pubs ou lors de voyages. Pourtant toutes révèlent cette quasi-absence de figures humaines, et