Les couleurs gueulardes, le rythme particulier de l'animation, le graphisme des personnages: aucun doute, il s'agit bien d'un jeu vidéo pour enfants. Mais la musique cloche. C'est une marche de Purcell, la Musique funèbre pour la reine Mary. Juste un rythme et une série d'accords qui ravivent confusément des souvenirs. Et puis, un premier plan, très rapproché: deux yeux bleus énormes, un verre de lait porté aux lèvres, un lent travelling arrière...ÊLa première séquence d'Orange mécanique. Sauf que le regard incandescent de Malcolm McDowell a été remplacé par celui de Conker, petit écureuil à l'air rigolard. Il se présente d'une voix traînante et avertit qu'il va nous entraîner dans le récit de sa «bad fur day» pour désigner une journée de poisse, les Anglo-Saxons (surtout les femmes) disent: «a bad hair day», «un jour de sale coiffure». Ce genre de journée où tout va de travers, où la mise en plis se fait la malle. Conker, lui, va raconter sa «journée de sale fourrure».
Avec Conker's Bad Fur Day, Nintendo saute à pieds joints dans la transgression. Une irruption dans le monde «adulte», alors que la firme japonaise, à coups de Mario, Donkey Kong et autres Pokémon, s'était adjugée le titre de leader sur le marché du jeu pour enfants. Plus troublant encore, Conker évolue dans un registre parodique où toutes les règles et les tabous promulgués par Nintendo sont atomisés. Car la référence à Kubrick n'est que la première surprise. Sitôt après, on retrouve Conker dans un bar où il