Pourquoi songe-t-on, en sortant de la Traversée, à Belle et Sébastien, ce feuilleton télé ancien qui racontait l'amitié d'un petit garçon et d'un gros chien? Parce que Lifshitz, le réalisateur, se prénomme Sébastien, parce qu'il a au physique des allures d'enfant mal rasé, parce que Stéphane Bouquet est comme Belle, un beau jeune homme en chien fou que l'on sait par ailleurs critique de cinéma aux Cahiers du cinéma et critique littéraire à Libération. Quelqu'un qui, professionnellement, se soucie du rêve des autres. Ce qui n'est pas indifférent puisque ce souci des autres est un des sujets de la Traversée. Sébastien Lifshitz, comme par surenchère, se glisse dans le rêve de Stéphane Bouquet: retrouver un père américain, absent depuis sa naissance dans les années 60. La faute originelle à de Gaulle, fameux père sévère de la nation, qui, par Otan-phobie, lourda les bases US de France et, partant, un jeune soldat américain qui quitta précipitamment sa jeune fiancée française enceinte de ses oeuvres. D'où, une trentaine d'années plus tard, Bouquet, Stéphane. Qui part en Amérique pour retrouver celui qui au début du film s'appelle encore Douglas Ray. Comme Sirk? Comme Nicholas? C'est le genre de questions volages que permet le style vagabond de la Traversée.
Mutation. Dans le sac de voyage de Stéphane Bouquet, Lifshitz fait partie du viatique, ni plus ni moins, entre une brosse à dents et un livre, sorte de Jimmy Cricket de poche, oeil de la conscience préposé à l'enregistrement. M