Deux ans après leur rencontre, à Düsseldorf en 1957, Bernd & Hilla Becher commencent à travailler ensemble. Ils sont tous deux étudiants à l'Aca démie des beaux-arts. Elle, 23 ans, déjà très dégourdie avec son appareil photo de poche, lui, 26 ans, davantage porté vers le dessin et la gravure. Dès le début de leur collaboration, tout est clair, ils savent ce qu'ils veulent faire et ne pas faire avec la photographie. Alors que la mode est plutôt au Leica et au Rolleiflex, ils choisissent d'emblée d'utiliser une chambre dans la tradition classique du XIXe siècle. Cet «outil de grande précision» leur permet aussitôt d'accorder leur symphonie: «Objectivité. Fron talité. Lumière douce.»
En crise. Et leur sujet, leur façon d'aborder le monde, comment en ont-ils eu l'idée? Lui fait des gestes de chef d'or ches tre, comme pour dire l'évidence de l'histoire. Elle met des mots sur ses mains qui bougent et, d'une voix douce, explique que Bernd avait dessiné, un temps, les lieux industriels dans la région de Siegen, sa ville natale, à l'est de Cologne. Siegen alors spécialisée dans l'extraction du fer et la métallurgie. «Nous avons pris conscience que le monde industriel où nous vivions était en crise. Beaucoup de choses disparaissaient; même si la Ruhr était encore peu touchée, Siegen, elle, l'était déjà.»
Les voici donc parcourant l'Allemagne, puis très vite la France, l'Angleterre, la Belgique et les Etats-Unis, s'arrêtant à Charleroi ou bien à Longwy, pour mettre en boîte des hauts-fou